J’ai eu une grossesse où globalement tout s’est très bien passé lorsqu’on élimine les maux présents durant celle-ci : vomissement et nausées au premier trimestre, deuxième trimestre dans le bouleversement des hormones et le troisième trimestre à se plaindre des maux de dos et autres désagréments…
J’ai choisi l’accouchement à domicile et si tu veux savoir pourquoi j’ai fait ce choix, je te suggère d’aller ici :
La veille de ma date possible d’accouchement, ma sage-femme m’a appelé en me disant : “Bah alors Véro, t’es pas supposée accoucher demain ?”.
Je lui explique que je n’ai aucun symptôme d’un accouchement imminent, la preuve, j’étais en route pour aller chercher mon nouveau parquet à 45 minutes de route de chez moi.
Elle m’explique que dans ce cas, il faut prévoir une échographie de terme.
Pourquoi faire une échographie de terme ?
Lorsqu’une personne enceinte arrive à la “date prévue d’accouchement” que je préfère appeler “date possible d’accouchement”, il faut prévoir une échographie de terme.
Aucun acte médical n’est jamais obligatoire et j’aurais pu refuser de pratiquer cette échographie, mais j’ai choisi de la faire parce que je souhaitais continuer mon parcours d’accouchement accompagné à la maison avec ma sage-femme pour qui il est important de faire cette échographie.
Info : en France, la DPA (date possible d’accouchement) correspond à la fin de la 40e SA (semaine d’aménorrhée, donc 40 semaines sans présence de règles), en Belgique, elle correspond à la fin de la 39e SA donc une semaine plus tôt, chaque pays a ses propres règles pour calculer la DPA.
Ma sage-femme relativise “ T’inquiète pas, seulement 10 % des naissances ont lieu le jour de la DPA, mais je souhaite que tu fasses une échographie de terme. Si tu es d’accord, je te suggère de la faire chez un (e) échographiste pour éviter de la faire à l’hôpital”.
(la maternité dans laquelle j’aurais été est absolument contre l’accouchement à domicile, j’ai eu suffisamment de remarques désagréables pendant ma grossesse pour savoir que c’était effectivement la meilleure chose à faire.)
L’échographie de terme
Je me suis rendue à mon rendez-vous d’échographie de terme, et même si j’avais un peu d’appréhension, j’étais sereine parce que mon bébé bougeait encore vraiment beaucoup.
Mais à peine a-t-elle commencé l’échographie qu’elle nous annonce “ Il n’y a plus suffisamment de liquide amniotique ».
J’ai du mal à respirer, je ne me sens pas bien et dans ma tête tout est clair “il faut que je protège mon bébé, il faut que j’aille tout de suite à l’hôpital pour accoucher”.
(Lorsque l’on se prépare à accoucher notre corps est rempli d’œstrogène, une hormone qui nous rend vulnérable et malléable.)
Mon mec est moins sévère et ne répond rien à la sage-femme quand elle nous propose d’appeler l’hôpital pour dire qu’on arrive.
Dans la voiture, il me dit : “ Attends ! C’est son avis, on va d’abord appeler notre sage-femme et on lui demande ce qu’elle en pense”.
Au téléphone, notre sage-femme est vigilante sur les termes qu’elle emploie. Son but n’est pas à tout prix de nous voir accoucher à la maison, mais elle ne souhaite pas remettre si vite en question un travail de longue haleine et surtout notre volonté première.
Elle nous propose de nous rappeler plus tard pour que l’on discute à deux et que si on le souhaite avant d’aller à la maternité, on peut faire un monitoring dans son cabinet.
Mon mec est déterminé : “ On n’a pas fait tous ça pour rien, notre bébé va bien, d’abord, on va faire le monitoring avec notre sage-femme et après, on prend la décision.”
La décision est prise : nous allons voir notre sage-femme dans son cabinet.
Elle nous propose tout de suite de faire le monitoring et notre bébé est en parfaite santé. Je voudrais prendre le temps de décrire son cabinet :
On est littéralement dans son salon, lorsque l’on est auscultée, elle allonge un drap propre à notre nom que l’on garde pendant toute la grossesse. À chaque fois qu’on est chez elle, je m’y sens bien, elle est pétillante, rayonnante : elle mène ce combat des naissances depuis si longtemps et à ce moment-là, je me sens si bien que je sens les contractions montées.
Elle nous propose de tenter de déclencher l’accouchement, mais à l’ancienne, avec sa recette à elle et de commencer par un décollement des membranes.
C’est quoi un décollement des membranes ?
J’accepte le décollement, il ne me fait pas mal, mais ce n’est pas agréable, elle s’arrête régulièrement pour me demander comment je vais et si je peux encore supporter la douleur.
Nous rentrons chez nous.
Après le décollement des membranes, la potion, les pierres et un immense câlin, il est temps pour nous de rentrer. Elle m’enlace “ Ne t’en fais pas, je sens que tu vas m’appeler à 2 h du matin parce que tu es en travail ».
Je pars de là apaisée comme jamais. Je flotte. Je sais que mon bébé va bien, moi aussi je vais mieux et mon bébé sera avec nous quoi qu’il arrive dans un ou deux jours.
Les contractions s’intensifient.
Sur la route, déjà, je sens des contractions, mais elles ne font pas assez mal à mon goût pour dire que je suis en travail. On arrive à la maison et pas question de chômer.
On sort et sous la pluie, on marche, aller-retour dans la rue pour “monter ma côte”.
Arrivé à la maison, je monte et descends les escaliers. Finalement, je suis fatiguée, j’arrête le travail et mon mec et moi, on décide de jouer aux cartes. Finalement, je me dis que j’ai besoin d’un véritable déclenchement. J’appelle la maternité et leur demande s’il faut qu’on vienne maintenant. Mais il n’y a plus vraiment de chambres et les médecins sont partis donc elle nous dit de venir demain matin à 7h30.
Je dis à mon mec qu’il vaut mieux qu’on aille se coucher. J’ai besoin de me reposer avant l’accouchement.
Je prends une douche très chaude de trente minutes, et je parle à mon bébé. Je lui dis qu’on va enfin se rencontrer, que j’ai besoin qu’elle vienne cette nuit sinon on va devoir accoucher à l’hôpital et que je ne sais pas si ça sera mieux à l’hôpital, je lui dis aussi que si elle pense qu’on doit accoucher à l’hôpital alors j’y serai demain matin.
Je pars me coucher à 23h30 et à 2 heures je me lève pour aller aux toilettes. Je ne fais que des aller-retour aux toilettes en pensant devoir aller aux toilettes. Mais non. Finalement, je n’arrive même plus à me coucher, je reste debout.
Mon mec se réveille et me demande « Ça va ?”.
Non. J’ai mal.
Il me dit : “ Ça y est !”.
Je n’y crois pas trop, ça paraît irréel.
On se parle, mais je suis là sans être là. Il part remplir la piscine, mais avec ma longue douche, il ne reste plus suffisamment d’eau chaude.
Mon réveil sonne à 6h30, on est supposé aller à la maternité. Je lui dis d’appeler notre sage-femme.
Ma sage-femme arrive, le soleil se lève dans le salon, elle prend mon mec dans ses bras, je ressens beaucoup d’amour dans ce moment, dans cette émotion de ce qu’il va bientôt se produire.
La doula arrive juste derrière, je ne la connais pas. Mais ce n’est pas très important, je ressens beaucoup de douceur de sa part. Elle me parle, mais je suis loin déjà, je n’entends plus.
Je les vois tous les trois courir pour remplir la piscine d’eau chaude, casserole après casserole. La piscine se remplit.
Un peu de douceur.
Ma sage-femme vient me glisser à l’oreille “La piscine est prête si tu veux y aller, c’est quand tu veux”.
Il ne fallait pas me le dire deux fois.
Entre trois enjambées, je suis dedans.
“WAAAAH”.
Le soulagement.
Je me repose un moment. J’en profite presque.
Je resterai 3 heures dans l’eau à peu près. Puis je demande : “ C’est quand que ça s’arrête”.
Ma sage-femme me propose un touché vaginal, j’accepte. Elle ne me dira pas à combien de cm je suis dilatée, mais les yeux à moitié ouverts, je vois qu’elle fait signe à Thibault “8”.
Yes ! Victoire !
Elle me propose de manger… NON
D’aller aux toilettes… NON.
Elle insiste et me dit de me mettre dessus juste pour voir. J’y vais, mais rien ne vient.
Je sors de la toilette. Je vais dans le salon et elle me dit “ Tu veux te mettre accroupi, ça peut aider”.
Je lui dis : “accroupi ? Ça veut dire quoi ?”. Elle me regarde, étonnée. Je lui demande : “Tu peux me montrer ?”.
Elle rigole et dit à mon mec : “ C’est bon ! Elle est partie chercher son bébé”. Elle s’accroupit et je l’imite. Mais je n’aime pas.
On essaye plein de choses. J’en ai marre. Je suis fatiguée et quelque chose l’inquiète : je n’ai toujours pas fait pipi. Elle veut vérifier que ce n’est pas ça qui empêche la naissance.
Elle me met sur le dos et essaye d’aller vider ma vessie. Sans succès. Elle me propose un autre touché vaginal et me dit “ La tête est là, mais je vais t’aider, il y a un œdème”.
Puis je dis “Sinon on va à l’hôpital.”.
“Oui, si tu veux, on va à l’hôpital”.
Puis dans ma tête, je me fais le scénario. Attendre les pompiers, aller en ambulance, attendre un médecin dispo, qu’il accepte de m’opérer, puis l’anesthésie. Trop long !
Dans ma tête, c’est sûr, je vais accoucher là parce que j’en ai marre.
Donc, à chaque contraction, je m’en vais pour un voyage, je me vois sur la plage éblouie par le soleil, je vois ma fille dans l’eau au loin qui rigole, la mer est chaude.
Mon mec me dit “ Je vois la tête.”
Une contraction suivante et la demi-tête de ma fille est sortie, la contraction s’arrête et donc je ne pousse pas. Je reste une minute et demie comme ça, la demi-tête de ma fille sortie.
Puis contraction suivante la tête sort entièrement et là, c’est le cercle de feu et je hurle “Wah ça fait mal”. Mon mec dit “ Non ça fait pas mal, vas-y”. La sage-femme et la doula “ Si, si ça fait mal.
La tête est sortie, je dis “ Elle est belle” mon mec “… Oui…”
Il se penche pour l’attraper et me la tend et je répète pendant 5 minutes “Mon dieu … Mon dieu … Mon dieu….”
Voilà, c’est l’histoire de mon accouchement accompagné à la maison, après ça, tout le monde a pleuré, s’est embrassé. Moi, je suis restée allongée pendant que la doula et la sage-femme rangeaient notre maison, mon mec s’est mis à nous préparer à manger.
Puis seulement quand la doula et la sage-femme étaient parties, on a appelé nos familles qui étaient toutes restées sur “demain, on va à l’hôpital”. Eh ben non !
C’était magique, unique, splendide.
Je ne me souviens pas du tout de la douleur des contractions. Je sais que j’étais absente de la réalité dans laquelle j’étais, ailleurs. Je peux dire ceci, accoucher, c’est une aventure incroyable.
Ce n’est pas quelque chose que je ferais avec des gens que je ne connais pas qui m’appellerait “madame” ou encore “madame Nom de famille”. Je veux que cela soit des personnes qui sachent ô combien j’ai besoin d’être aimée, sécurisée et appréciée.
Quand je vois aujourd’hui des vidéos de bébés qui naissent, d’instinct, je me mets à pousser. Comme si j’avais appris à rouler à vélo et que j’étais prête à tout moment à revivre ça.
J’ai tellement envie d’accoucher encore et encore tellement l’émotion que j’ai ressenti était belle. Sans parler de la puissance que cela m’a donnée.
L’impression que rien n’est insurmontable, une leçon de vie dans laquelle on découvrirait comment ne jamais baisser les bras et en même que c’est normal si on baisse les bras, dans lesquels on découvrirait que sans les autres on va nulle part et qu’il faut s’entourer des bonnes personne, dans laquelle on apprendrait que la vie nous joue des tours pour tester notre détermination.
J’espère que ce récit vous a plu. C’est le mien. Une histoire où tout se passe bien. Des histoires dans lesquelles tout se passe mal, j’en ai entendue, mais pas assez de belles histoires.
Je n’ai pas eu de chances, mais des personnes vigilantes autour de moi, des personnes qui jamais ne m’auraient fait courir un risque quelconque pour une histoire d’ego mal placé.
Je souhaite à chaque personne qui en a envie de vivre cette expérience. Parfois, ce n’est pas lors d’un accouchement de bébé que l’on vit cette expérience. Parfois, c’est lors d’un défi qu’on s’est donné : monter le Mont Everest, changer de boulot, divorcer, retrouver l’amour, reprendre des études… Toutes des situations où l’on a besoin de choisir des personnes qui nous entourent et nous aiment, des personnes qui croient en nous et qui sont prêtes à tout pour que l’on accomplisse la mission que l’on s’est donnée.
Il est possible de prendre possession de soi. Il est possible d’être 100 % connecté à soi-même et bien que l’accouchement soit une manière de se transcender, il existe d’autres manières.